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La lectio divina

d'après : Fr. Jean-Marie, o.s.b.

Abbaye de Tournai

Revue carmélitaineVives Flammes

Juin 2002 n° 247


 

         La lectio divina est une lecture biblique qui fait passer l’homme par les sentiers de la prière, et l’instruit tout au long de sa vie de foi. La lectio divina, c’est l’acte d’ouvrir le Livre, en pressentant, au seul toucher de ses pages brûlantes, qu’il convient avant tout de se tenir ouvert devant le Livre, pour laisser battre en soi la Parole de Dieu, pour découvrir le Dieu qui tient Parole.

 

                  Ta parole, Seigneur, est une lampe pour mes pas,

                  une lumière pour mon sentier...

                  La découverte de tes paroles illumine,

                  Elle donne du discernement aux simples. (Ps 119)

 

       Tantôt créatrice, tantôt libératrice, toujours appelante et disponible, la Parole de Dieu peut provoquer le miracle d’une lumière qui peut rompre la nuit, d’une clarté qui fascine sans jamais aveugler.

 

         « Au commencement était la Parole de Dieu » ; elle est venue habiter chez les hommes pour que leur coeur consente peu à peu à s’ouvrir à l’écho de cette Confidence, à la laisser frémir et résonner en lui. « Et la Parole est lumière et vie » ; elle a le pouvoir d’éclairer ce qui est enténébré, de rendre droits les sentiers sinueux, d’apaiser ce qui est troublé. Elle n’a d’autre espérance que d’ouvrir ce qui est fermé, de susciter ce qu’il y a de plus beau en l’homme.

 

         Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui. (Ap. 3,20)

 

            Le croyant peut découvrir la Fidélité de Dieu à travers le don qu’Il lui fait de Sa Parole. Elle lui devient jour après jour infiniment proche; pour fortifier l’homme et lui donner de porter un fruit de louange, pour demeurer gravée sur son coeur, inscrite sur ses lèvres, et abandonnée entre ses mains, la Parole de Dieu est venue reposer dans les pages d’un Livre. Mais les pages de ce Livre ne sauraient en aucune manière emprisonner la Parole dont la joie profonde est de se donner pour libérer l’homme, de se mêler aux mots de l’homme pour qu’ils prennent feu.

La Bible est comme le Buisson ardent de la Présence de Dieu, « le poème éternel » (V. Hugo) où la voix de Dieu s’habille d’un chant de fête, et n’en finit pas de nous appeler à la vie de l’alliance, à l’émotion des Noces.

 

         Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur pour que tu la mettes en pratique. (Dt 30, 14)

 

         Pour le croyant, le chemin d’écoute et d’accueil de cette Parole, faite pour animer les profondeurs de son être, passe par la lecture. Car la Bible est une Parole, parole humaine et parole de Dieu, indissocia-

blement, elle est aussi un texte. La Lectio Divina sera donc cette aventure paradoxale, où la lecture est écoute, prière, manducation, obéissance. La Lectio Divina nous fera réaliser, au coeur d’une lecture infinie, qu’il existe véritablement un « miracle de l’Ecriture Sainte », indicible frémissement de l’homme et de Dieu, concerto à plusieurs voix ...à quiconque veut l’accueillir. Le Livre des Livres donne un secret à entendre, une lumière à recevoir, une grâce à partager. Mais, le Livre le plus engageant, le plus interpellant qui soit, est également le plus paradoxal : ce livre en effet propose une route de lumière, mais par la nuit obscure de la foi nue; il révèle la joie d’aimer, mais par le passage au creuset de l’oubli de soi. Pour faire renaître au-dedans l’homme nouveau, il appelle au dépouillement du « viel homme » au-dehors.

 

         Faire Lectio Divina, c’est s’enchanter d’un texte qui, matin après matin, coninue à s’offrir à nous, fragile, nu, ouvert, exposé : des braises qui attendent notre souffle pour qu’y jaillisse à nouveau la flamme. Lire, ce sera donc prêter son souffle aux lettres, pour que le texte reprenne feu.

 

         Faire Lectio Divina , c’est découvrir dans la Parole de Dieu, une source vivifiante pour étancher notre soif, pour laver nos blessures, pour irriguer les terres desséchées de nos coeurs. Et saint Ephrem de s’écrier : « Réjouis-toi d’avoir une source pour apaiser ta soif, sans que ta soif n’épuise la source ».

         Faire Lectio Divina , c’est s’approcher de la Table de la Parole, de l’Autel où le Verbe se fait nourriture :

 

         Je m’avançais vers l’ange et le priais de me donner le petit livre. Il me dit :« Prends et mange-le. Il sera amer à tes entrailles, mais dans ta bouche il aura la  douceur du miel ». Je pris le petit livre de la main de l’ange et le mangeai. (Ap 10,9-10)

 

         Faire Lectio Divina , c’est se laisser en quelque sorte incorporer, manger par la Parole, en reconnaissant que ce qu’elle dit universellement à tous, s’adresse aussi très personnellement à chacun. Le Livre tombé du ciel remonte des profondeurs de la terre. Pour ramener les hommes au ciel, il leur montre comment il faut d’abord aimer la terre. Et pour dire aux hommes qui est Dieu, Dieu lui-même se fait homme parmi eux.

 

         Si la Parole est musique et lumière, nourriture et source, si la Parole est Verbe qui se laisse voir et toucher, c’est donc que tous les sens de l’homme sont ici conviés, comme rassemblés pour être unifiés. La Lectio Divina est une lecture, savoureuse et priante, de l’Ecriture, où l’être tout entier doit se laisser saisir et transfigurer par la lumière incréée. Toute Lectio Divina est expérience du Thabor : Moïse et Elie, (la Loi et les Prophètes), nous appellent à accueillir la joie du Verbe, l’Unique engendré du Père, venu non pour abolir l’Ecriture mais pour l’accomplir; la nuée révèle et cache, elle nous invite à entrer dans la foi, qui est pour nous une lampe et une obscurité; la voix qui se fait entendre, l’appel du Père, trace pour le Fils un chemin d’offrande, et pour les disciples un chemin d’écoute : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le » (Mc9 7); Dieu nous fait peu à peu comprendre qu’il n’a d’autre désir que d’établir en nous Sa Demeure, de nous transfigurer avec son Fils pour, avec Lui, nous faire parcourir le mystérieux chemin pascal et nous donner en partage sa résurrection.

 

         A celui qui se laisse interpeller quotidiennement par la Lectio Divina, la Bible sera comme une lettre d’amour portée sur son coeur.

 


         Dans la Lectio se joue le mystère de la Rencontre entre l’une et l’autre parole : la parole de l’homme devient prière et adoration quand elle se laisse investir par la Parole de Dieu « qui est vivante et efficace » (cf.Hb.4, 12-13).

 

         Toute Lectio Divina commence en épiclèse et s’achève en adoration de l’âme; elle est, après l’éveil à la tendresse dont Dieu veut nous envelopper, écoute et prière qui rayonneront en joie et en charité. Alors la Lectio Divina devient bel et bien chemin d’alliance sur lequel l’Hôte Intérieur nous fait avancer.

 

 

 

        Les paroles des commandements que je te donne aujourd’hui seront présentes à ton coeur; tu en feras un signe attaché à ta main, une marque placée entre tes yeux; tu les inscriras sur les montants de tes portes et à l’entrée de ta ville. (Dt. 6,6.8-9)

 

 

 

Fr. Jean-Marie, o.s.b.

Abbaye de Tournai

Revue carmélitaineVives Flammes

Juin 2002 n° 247

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